Je ne suis ni psychologue ni psychothérapeute. Je suis praticien de shiatsu et mon expérience avec cette thérapie énergétique m’a conduit à m’intéresser de près à la façon dont les traumatismes s’inscrivent dans notre système. Je veux souligner l'importance d'une dynamique multidisciplinaire en matière de prise en charge du traumatisme : une prise en charge qui allie une approche psychothérapeutique et une approche corporelle. Aucune de ces deux approches ne peut se passer de l'autre ; l'approche corporelle n'est pas simplement "la cerise sur le gâteau", elle est incontournable. En lisant ce qui suit, vous comprendrez mieux l'importance d'une approche qui inclut le corps.
Je souhaite d'abord préciser le périmètre de la prise en charge que je propose car le mot "trauma" recouvre un large éventail de considérations.
Nous sommes tous pétris d'une quantité incalculable d'expériences plus ou moins traumatisantes, ou pour le dire autrement, d'expériences qui ont laissé des traces dans nos schèmes de pensée et dans nos cellules corporelles de sorte qu'il est devenu difficile d'offrir aux circonstances présentes une réponse qui soit totalement adaptée, nouvelle, inédite et libre de ces expériences passées.
La prise en charge dont il est question ici est orientée très spécifiquement sur les traumatismes qui occasionnent des troubles du comportement récurrents, accompagnés de sensations physiques débilitantes, qui apparaissent comme inappropriées au regard des situations vécues.
A titre d'exemple, on peut retrouver des formes d'angoisses qui se traduisent par des comportements d'évitement, de fuite, de tétanie, d'anesthésie (...) se manifestant de façon répétitive dans des situations qui se ressemblent et qui s'accompagnent de désordres physiologiques (augmentation du rythme cardiaque, oppression respiratoire, agitation ou engourdissement musculaire, vertiges,...).
Il semble utile de préciser qu'il n'est pas nécessaire de connaître la cause des symptômes post-traumatiques pour s'engager dans un travail d'intégration du trauma.
Par ailleurs, il n'est pas question dans le travail proposé de rechercher la cause du trauma, lorsque celle-ci n'est pas connue.
Lors de la survenance de l'expérience traumatique, des réponses instinctives ont été choisies par l'organisme afin d'assurer sa propre protection.
Lorsque des symptômes post-traumatiques se présentent, tout se passe comme si le système - reconnaissant certains indices évocateurs de l'expérience traumatique - se rebranche instantanément sur le schéma de réponses instinctives qui a prévalu dans les circonstances originelles. Et ce, quels que soient les autres indices présents dans l'environnement qui permettraient d'opter pour des réponses différentes, adaptées aux circonstances nouvelles.
Le cerveau préfrontal (néocortex) qui nous offre cette capacité de prise du recul, cette capacité d'analyse, n'est pas mobilisé car le cerveau reptilien (responsable des réponses instinctives de préservation) a pris les commandes et dirige les opérations en lien direct avec les fonctions motrices et endocriniennes.
Ainsi, il y a comme une mémoire cellulaire (indépendante de nos facultés mentales cognitives) qu'il y a lieu de "nettoyer". Cette prise en charge passe par l'écoute du corps, la reconnaissance sensorielle des mécanismes à l'œuvre et la remise en route de réponses physiques/motrices adaptées.
L'approche sensorimotrice est précisément une approche qui s'appuie conjointement sur :
• les sensations corporelles (les 5 sens et les sensations internes, en lien également avec les émotions) ;
• les aspects moteurs (la capacité à mobiliser son énergie pour effectuer des mouvements appropriés)
Progresser vers l'intégration d'un trauma demande le plus souvent du temps.
Il est important d'être conscient qu'un parcours thérapeutique s'annonce probablement pour quelques mois au moins (il est bien sûr impossible d'offrir une estimation précise tant les situations peuvent être différentes).
Au cours des séances, les positions peuvent varier (couchée, assise ou debout) selon ce qu'il y a lieu de travailler.
Bien que je propose une approche résolument corporelle, des espaces sont aussi consacrés à la parole.
Nous aurons également recours aux outils du shiatsu et à l'utilisation de la voix comme puissants vecteurs de guérison.
Voici l'expérience vécue par M. lors d'une séance de soins à mon cabinet.
M. a 68 ans et traverse une période difficile depuis plusieurs années. Elle ressent des angoisses quotidiennes qui la privent de sa vitalité et la maintiennent dans une sorte de légère tétanie permanente. Ces angoisses se manifestent dès le réveil, et s'accompagnent d'une grande fatigue qui dure chaque jour jusqu'au début de l'après-midi. L'énergie remonte aux alentours de 15h00, mais des crises d'angoisse peuvent encore subvenir en fonction des circonstances.. Au niveau physique, le stress se caractérise par des sensations de vide dans la région du plexus.
M. décrit sa peur comme étant la peur que quelque chose d'inattendu arrive et auquel elle serait incapable de faire face.
C'est sa 3ème séance avec moi.
Je précise que M. a déjà fait un travail corporel considérable au cours des dernières années et que ce travail aura certainement contribué au processus d'intégration que je décris ici.
Après avoir pris un temps pour l'accueillir et recueillir son "état des lieux" depuis la séance passée, je constate rapidement que la peur est particulièrement palpable, comme à fleur de peau. La voix de M. est hachée par une respiration laborieuse, son regard aussi exprime la peur qui la tenaille.
S'agissant de la 3ème séance ensemble, et les émotions étant fortement présentes, je m'autorise à ne pas faire durer notre échange "préliminaire" et l'invite à s'allonger sur le dos.
Je lui demande ensuite si elle est d'accord que nous allions à la rencontre de la peur qu'elle ressent. Je l'informe que cette démarche nous conduira, non pas à rechercher un apaisement rapide mais au contraire à se rapprocher doucement de l'émotion.
M. décide de suivre cette proposition et je l'encourage à accueillir totalement les sensations physiques qui sont présentes. C'est un peu comme "être tout à fait d'accord" avec ce qui est présent, le laisser prendre la place qu'il cherche à prendre et écouter ce qu'il a à nous dire. On y va très progressivement, c'est important.
Un temps.
J'interroge M. sur ce qu'elle ressent dans son corps.
Elle m'indique que les sensations sont focalisées dans la région du haut du ventre et du plexus. Des tensions très désagréables.
Je l'invite à amplifier légèrement sa respiration et à rester très reliée aux sensations qu'elle décrit dans la région de son ventre.
Je me rapproche et je lui demande si je peux glisser une main dans son dos et poser une main sur son ventre.
(Note: il y a un point énergétique précieux V23, pour approcher l'émotion de la peur, à hauteur de L2 de part et d'autre de la colonne vertébrale)
Un temps.
Je propose ensuite à M. de se donner de la voix avec le son "Vou". Je l'accompagne de ma propre voix pour la soutenir et créer un petit "bain sonore", sachant que cette vibration contribue à ouvrir des portes au niveau cellulaire.
Après 1 à 2 minutes, je l'interroge sur ses sensations dans le corps.
M. me partage que le sensations sont toujours présentes dans le ventre.
Je lui suggère ensuite de rechercher une situation passée qui a enclenché une montée d´angoisse. Je précise qu'on ne cherche pas la cause, juste une situation récente, qui a engendré une réaction vive de peur.
M. se remémore qu'elle a dû récemment se rendre en voiture dans un endroit qui nécessitait d´emprunter un itinéraire qu'elle connaissait mal et qui l´insécurisait. Cette situation avait amorcé des réponses immédiates de tétanie.
Je demande à M. de se reconnecter à cet instant et à la peur qu'elle a ressentie.
M. ressent immédiatement un montée d'angoisse.
Je l'encourage à bien respirer.
A nouveau, je recueille les sensations présentes dans son corps.
Sensation d'être prise à la gorge. Elle mime avec sa main.
Je demande si je peux déplacer la main du ventre et l´approcher de sa gorge. Je reçois son accord. Je le fais très progressivement en l'informant de ma progression.
L'angoisse monte très fort. Cris. Visage qui se tend. Corps qui se débat.
Je m'assure que M. reste bien présente dans l'ici et maintenant avec moi, dans la pièce : "Je suis là, est-ce que tu es bien avec moi ? Respire bien. Est-ce que tu peux sentir tes mains ? Tes pieds ? Ici et maintenant, dans cet espace ?"
Je reçois confirmation et je peux le constater.
Les manifestations de la peur se poursuivent, puis progressivement nous assistons à un retour au calme.
Les sensations dans le ventre ont disparu et se trouvent remplacées par une chaleur agréable.
La gorge est libérée.
Sensation de bien-être et d'énergie.
M. commence à repositionner un peu son corps, à bouger les jambes.
Je l'invite à bouger les genoux, à lever un petit peu l'un puis l´autre. Je sens que le moment est venu de réinformer son corps de sa capacité à bouger, c'est-à-dire à offrir une réponse adéquate (le contraire de la tétanie) lorsqu'un danger se présente.
Ces mouvements lui donnent envie de ramener complètement les genoux vers la poitrine. Ce que je l´encourage à faire.
Je lui propose alors d'expérimenter quelque chose qu'elle est bien sûr libre d´interrompre : me repousser de toute sa force avec ses pieds.
Je me positionne face à elle, sur mes appuis, en posant mes mains sur ses chevilles et mon hara contre la plante de ses pieds.
Je n'ai pas le temps de dire ouf! me voilà propulsé avec une formidable puissance !
Nous jouons un peu en alternant des poussées fulgurantes et des poussées progressives.
Ca fait du bien ! L'énergie circule librement, M. connecte à sa force, sensations agréables de puissance et envie de rire.
Retour au calme.
Je demande : "Quelle est l´envie dans le corps ?"
- "M´asseoir."
M. s'assied et après quelques respirations, je la guide vers quelques mouvements pour libérer les épaules, ouvrir le haut de la cage thoracique et étirer les bras. Nous le faisons avec douceur, en savourant les sensations de libération et la joie retrouvée.
Nous clôturons la séance.
Cette séance constitue une belle illustration du travail d'intégration des traumatismes par une approche sensori-motrice. En faisant appel à la capacité de la personne à ressentir et à mobiliser son corps de façon adéquate, il est possible de réinformer le système pour qu'il cesse de rejouer les scénarios passés et qu'il ouvre un champ de réponses nouvelles, ajustées, dans l'instant présent.
Pour M., cette séance est un pas déterminant sur le chemin pour récupérer toute sa tranquillité et sa joie de vivre.
Après avoir testé de nombreuses offres thérapeutiques alternatives, M. a trouvé dans cette approche un véritable aide et a constaté des changements positifs dans son quotidien après seulement 3 mois d'accompagnement. Les séances ayant lieu tous les 15 jours.